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« Alors, pourquoi Grasse est là ? »

  • Photo du rédacteur: Tom Richardson
    Tom Richardson
  • 30 avr.
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 7 août

À l'université, il y a bien plus longtemps que je ne voudrais l'imaginer, j'ai obtenu une licence de géographie, spécialisée en économie de la localisation. Ma carrière ultérieure n'a pas eu grand-chose à voir avec ce domaine, mais en arrivant à Grasse, j'avais presque l'impression d'assister à un cours.

Panorama de Grasse depuis l'ouest
Grasse, avec les tours jumelles de la cathédrale et l'ancien palais épiscopal sur une petite butte, le Puy, en bordure de son site antique.

Partout, les implantations historiques reposaient sur trois facteurs : la sécurité, la disponibilité de l'eau et l'abondance des ressources alimentaires. Perché sur son promontoire dominant la vallée de la Mourachonne, le site de Grasse illustre parfaitement ces trois facteurs.


L'arrière-pays, avec ses collines au nord offrant des pâturages et ses plaines fertiles en contrebas offrant des terres arables, s'y prêtait parfaitement. L'eau jaillit des sources situées au-dessus de la ville, notamment de La Foux. Et surtout, la clé réside dans l'accident géomorphologique du promontoire, à mi-chemin entre le fond de la vallée de l'actuel Plan de Grasse et le plateau de Roquevignon. À 200 mètres au-dessus du fond de la vallée et protégé au nord par des collines abruptes, c'est une vaste forteresse naturelle. Essayez d'emprunter les différentes « traversées » depuis la gare jusqu'à la vieille ville ou la descente abrupte de la route Napoléon ; imaginez où se trouvaient les remparts et vous comprendrez pourquoi.

Grasse from north east and south
La vue du nord-est (en haut) montre le promontoire sur lequel Grasse s'est développée, mais une vue de 1825 depuis le sud, avant que la ville ne se soit beaucoup développée hors les murs, montre plus clairement la forteresse naturelle (Paul Sénequier, Jean Luce - Collection Adam).

Le village d'origine, où se dressent aujourd'hui la cathédrale et l'ancien palais épiscopal, se trouvait sur une petite butte légèrement surélevée au-dessus de l'actuelle ville. Il n'est donc pas surprenant que le nom officiel de la cathédrale soit Notre-Dame-du-Puy (dont vous pouvez voir l'origine ici ). Les remparts d'origine n'entouraient que le Puy ; ils furent considérablement agrandis à la fin du XIIe siècle pour permettre l'expansion du village. Si vous visitez la Maison du Patrimoine , vous pourrez admirer trois maquettes qui illustrent parfaitement le développement de Grasse : une photo ne leur rendrait pas justice, mais en voici une :

Maquette de Grasse, Maison du Patrimoine

Pour les premiers habitants, le site était sûr, relativement plat et bien approvisionné en eau provenant des collines escarpées situées derrière. Mais qu'est-ce qui a permis à ce lieu de prospérer et de devenir une ville importante, plutôt qu'un simple village sûr comme Bar-sur-Loup ou Gourdon ?


Tout d'abord, le promontoire est spacieux – 400 m sur 400 m –, suffisamment vaste pour qu'une ville médiévale puisse s'y développer comme centre commercial. Situés en toute sécurité à la transition entre l'économie pastorale des collines et les terres arables du fond de la vallée, les marchands et les marchés de Grasse constituaient les intermédiaires naturels de la production agricole de la région.

Plan de la vieille ville de Grasse et de Riou Blanquet
Zone approximative de la vieille ville, avec le Riou Blanquet au nord et à l'est.

Le site était également idéal pour deux industries médiévales et bien situé pour le commerce interurbain plutôt que simplement local.


Les moulins

La vallée abrupte du Riou Blanquet marque la limite nord-est de la ville. Elle se prêtait idéalement à la construction de moulins de toutes sortes pour exploiter la puissance du cours d'eau. Au Moyen Âge, on y moulait le grain et on y traitait les tissus (le foulage, qui consiste à nettoyer, rétrécir et ainsi épaissir les tissus). Plus tard, les moulins produisirent de l'huile d'olive et du savon, tandis que quelques-uns étaient des scieries et autres moulins industriels.


Le Quartier des Moulins est aujourd'hui plus visible depuis le pont de l'avenue Saint-Exupéry (ancien pont ferroviaire du Chemin du Sud). Même sur une photographie moderne, on peut apercevoir des bâtiments caractéristiques des moulins et des usines alignés le long des flancs de la vallée.

Panorama de Grasse depuis l'est
Quartier des Moulins, 1918 et aujourd'hui, dans l'incision marquée du Riou Blanquet. Hormis les arches du viaduc du Pont de la Roque, démoli par les occupants allemands en 1944, de nombreux bâtiments sont inchangés, mais les arbres sont beaucoup plus nombreux.

Les tanneurs et le commerce interurbain

L'eau captée de la Foux était acheminée par de multiples petits canaux jusqu'au Puy et subvenait aux besoins de nombreux tanneurs de la ville. À l'origine, ils utilisaient des peaux de chèvre et de mouton des collines environnantes, mais l'industrie s'est développée grâce à leur capacité à se différencier. Partout, la tannerie nécessitait des arbres, notamment des chênes, pour fournir du tanin, mais Grasse avait la chance de disposer d'abondantes réserves de sumac, de lentisque et de myrte. Les tanneurs grassois se sont forgé une réputation pour leur cuir souple, vert et de haute qualité, en transformant les peaux à partir de ces plantes méditerranéennes, broyées pour leur utilisation dans les moulins de Grasse.


C'est là qu'intervenait le commerce interurbain.

Carte topographique indiquant la situation de Grasse par rapport à la mer.
Grasse est en bordure de collines avec un accès facile à la mer

Grasse n'est qu'à 15 km de la mer, sur un terrain en pente douce une fois arrivé au pied du Puy. La mer était de loin le moyen de transport le plus efficace au Moyen Âge, et Grasse, située au bord des collines et à l'abri des pirates, pouvait communiquer et commercer avec les villes méditerranéennes.


Les peaux brutes étaient importées de la côte pour être tannées à Grasse et vendues sur des marchés plus vastes, faisant de Grasse bien plus qu'une simple ville commerçante locale : elle devint un centre industriel dont les liens dépassaient largement les frontières locales. Elle entretenait des relations commerciales florissantes, notamment avec Gênes, l'une des cités-États les plus puissantes d'Europe aux XIIe et XIIIe siècles.


Le principal inconvénient était que, même selon les normes des villes médiévales, sa puanteur aurait été insupportable !


Une ville commerciale et industrielle prospère

Nicolas Breakspear, le seul pape anglais
Nicolas Breakspear, le seul pape anglais

En 1154, Grasse était suffisamment importante pour que Nicolas Breakspear, qui, comme Adrien IV, était et restera probablement le seul pape anglais, fasse appel à elle pour protéger les moines des îles de Lérins (au large de Cannes).


Son succès peut être mesuré en comparant sa population à celle d'autres villes historiques. Au milieu du XIIIe siècle, elle comptait environ 7 000 habitants. À titre de comparaison, Nice avait probablement une taille similaire, Gênes et Londres environ 30 000 habitants, York et Bristol (deuxième plus grande ville du Royaume-Uni à l'époque) environ 8 000 habitants et Paris, alors la plus grande ville d'Europe, peut-être 150 000 habitants.


À l'époque moderne, l'avantage concurrentiel conféré par une situation géographique avantageuse s'est considérablement réduit. Grasse n'est plus que la cinquième ville des Alpes-Maritimes et se classe au 134e rang en France, mais les raisons de son existence sont toujours claires.

 
 
 

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