Les curiosités de Saint François
- Tom Richardson
- 21 déc. 2024
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 nov.
J'habite le quartier Saint-François de Grasse depuis vingt-cinq ans. Vous pouvez découvrir mes découvertes sur ses différents moulins sur mon blog « Les Moulins des Ribes », mais voici d'autres lieux remarquables de notre quartier.

La nouvelle route et une ancienne piste
La carte actuelle de Saint-François est dominée par la route construite dans les années 1890, qui commence par l'avenue Guy de Maupassant, puis devient le boulevard Schley et enfin la route de Saint-François. Elle a ouvert tout le quartier au développement et a été le catalyseur de la construction de très grandes résidences. Mais il est possible de retracer des traces plus anciennes à travers la vallée, dont l'une comporte un pont imposant au-dessus du bief.
Saint-François était autrefois également connu sous le nom de Saint-Barthélemy, c'est pourquoi le pont est appelé Pont Saint-Barthélemy sur la carte postale historique ci-dessous :

Les chutes ou les barrages visibles sur la photographie ont été démolis à un moment donné. En aval, le pont s'élève à 12-15 mètres au-dessus de l'eau. Malheureusement, il ne semble pas y avoir aujourd'hui de point de vue permettant de reproduire cette vue historique.

Il vaut la peine de parcourir le sentier qui passe devant deux moulins abandonnés et mène au pont.

Pour le trouver, tournez à gauche sur l'avenue Guy de Maupassant, juste à côté de la villa Noailles. Le chemin débouche à nouveau sur la « nouvelle » route, de l'autre côté de la vallée.
Le canal de la Siagne
Un peu plus loin, le ruisseau coule sous le canal de la Siagne. La construction du canal fut une sorte de coup de force de la ville de Cannes, impulsé par un Écossais.

Henry Brougham était un avocat éminent d'Édimbourg qui, en tant que politicien whig, fut Lord Chancelier d'Angleterre de 1830 à 1834. De passage à Cannes (en grande partie par hasard, dit-on), il décida d'y faire construire une maison et finit par y résider presque à titre permanent. Parmi ses nombreux actes de philanthropie et de développement, il soutint la construction d'un nouveau réseau d'adduction d'eau pour Cannes.
Ce projet se concrétisa dans les années 1860 avec la construction d'un canal captant les eaux de la Siagne près de Saint-Cézaire, ignorant ainsi les revendications de Grasse sur l'eau (voir mon blog ici ).
Une partie du canal traverse les quartiers sud et est de Grasse, dont Saint-François. Malgré sa proximité, il contribue peu à l'approvisionnement en eau de Grasse.
Il est possible de se promener le long d'une partie du canal à Saint-François (plus loin, à Saint-Jacques et Saint-Mathieu, une grande partie a été recouverte) et il y a des digues et des aqueducs assez spectaculaires le long de son parcours.

Traces d'une ancienne voie ferrée
Le Chemin du Sud, reliant Nice à Marseille, via Draguignan et Grasse, traversait l'extrémité sud de Saint-François et ses traces sont encore visibles aujourd'hui (son autre branche, le célèbre « train des Pignes » à destination de Digne, est toujours en service).
La carte ci-dessous montre son tracé, via un rond-point appelé « La Halte », car la gare de Saint-Jacques s'y trouvait autrefois. La voie longeait ce qui est aujourd'hui deux rues : le boulevard Louis-Icard, qui enjambe l'un des viaducs encore debout de la ligne, et le chemin de Peymeinade.

Grâce à sa voie étroite (1 mètre), elle pouvait effectuer des virages plus brusques qu'un système à voie normale. Entre le boulevard Icard et le chemin de Peymeinade, se trouvait autrefois un viaduc de 100 mètres dont l'unique pylône, perché dans la vallée, demeure aujourd'hui un vestige fantomatique de la voie ferrée.

Bastide Saint François
Là où la « nouvelle » route devient bd Schley, elle doit son nom à un financier américain de l'« âge d'or » new-yorkais. Grant B. Schley gagna des millions entre 1885 et sa mort en 1917. Son deuxième fils, Grant B. Schley Jr., était associé dans l'entreprise de son père, mais, comme d'autres enfants de riches pères américains (on pense notamment à Henry Clews, du Château de La Napoule), il mena une vie de loisirs en France.

Il achète et reconstruit la Bastide Saint François en 1925. Plus important encore, il choisit un jeune designer français, Jacques Couëlle, alors âgé de 23 ans, pour remodeler la Bastide.

Cela semble assez calme comparé à la carrière ultérieure de Couëlle, dans le « mouvement architecture-sculpture ». Il fut ensuite l'architecte responsable du faux château de Castellaras le Vieux et du « village troglodyte » connu sous le nom de Castellaras le Neuf, tous deux situés à proximité, à Mouans Sartoux.
Il a également conçu Port-La-Galère près de Théoule et a eu une influence majeure sur l'architecte hongrois rebelle Antti Lovag. Lovag a conçu le Palais Bulles de Pierre Cardin et d'autres maisons « bulles », toutes situées sur les falaises près de Port-La-Galère.
Il est difficile de voir la Bastide de l'extérieur directement mais son long mur, percé de tourelles occasionnelles, domine une partie du boulevard Schley.
L'entrée est devenue célèbre parmi les fans du réalisateur anglais Alfred Hitchcock, car une scène de son classique « La Main au Collet » (« To Catch a Thief »), avec Cary Grant et Grace Kelly, s'y déroule.

Villa Noailles
Saint-François possède une autre demeure importante juste à côté de la Bastide Saint-François, à savoir la Villa Noailles, qui est réputée à juste titre pour son jardin.

J'ai publié un article à ce sujet, ainsi que sur son propriétaire quelque peu excentrique, ici.
Les maisons « Ombriennes »
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les Italiens, et non les Britanniques, constituaient le groupe d'immigrants le plus important à Grasse. Le recensement de 1891 dénombrait plus de 2 500 personnes vivant ici, dont beaucoup venaient des environs de Coni – une proportion assez élevée sur un total de 11 000 habitants. Saint-François semble également avoir attiré des Ombriens, surtout après la Grande Guerre. Parmi eux figuraient les parents de mon voisin, originaires de Pérouse.
Lors d'une récente promenade, notre guide nous a emmenés rue Jeanne Jugan et nous a montré ces maisons, dont les frises, nous a-t-elle dit, sont typiques des maisons « ombriennes » de l'entre-deux-guerres. Peut-être les nombreux cyprès du versant ouest de la vallée leur rappelaient-ils leur pays.



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