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Les curiosités de Saint François et un homme remarquable

  • Photo du rédacteur: Tom Richardson
    Tom Richardson
  • 21 déc. 2024
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 6 jours

J'habite le quartier Saint-François de Grasse depuis vingt-cinq ans. Vous pouvez découvrir mes découvertes sur ses différents moulins sur mon blog « Les Moulins des Ribes », mais voici d'autres lieux remarquables de notre quartier et l'histoire d'une vie remarquable menée en partie ici.

Carte de St François, Grasse

La nouvelle route et une ancienne piste

La carte de Saint-François est aujourd'hui dominée par la route construite dans les années 1890, qui débute avenue Guy de Maupassant et devient boulevard Schley, puis route de Saint-François. Elle a ouvert tout le quartier au développement et a été le catalyseur de la construction de très grandes résidences. Il est cependant possible de suivre des traces plus anciennes dans la vallée. L'une d'elles comprend un pont semi-abandonné sur le ruisseau du moulin.

Vieux pont St François Grasse

En aval, il domine l'eau de 12 à 15 mètres. Je n'ai pas réussi à déterminer la date de sa construction, mais ce fut un projet d'envergure. Le sentier, qui longe deux moulins abandonnés et traverse le pont, vaut le détour.

Plan de l'ancienne voie ferrée et du pont, Saint-François de Grasse

Pour le trouver, tournez à gauche sur l'avenue Guy de Maupassant, juste à côté de la villa Noailles. Le chemin débouche à nouveau sur la « nouvelle » route, de l'autre côté de la vallée.


Le canal de la Siagne

Un peu plus loin, le ruisseau coule sous le canal de la Siagne. La construction du canal fut une sorte de coup de force de la ville de Cannes, impulsé par un Écossais.

Plan du Canal de al Siagne, St François de Grasse
Parcours du Canal de la Siagne à St François. Il est possible de marcher le long de l'itinéraire marqué en bleu.

Henry Brougham était un avocat éminent d'Édimbourg qui, en tant que politicien whig, fut Lord Chancelier d'Angleterre de 1830 à 1834. De passage à Cannes (en grande partie par hasard, dit-on), il décida d'y faire construire une maison et finit par y résider presque à titre permanent. Parmi ses nombreux actes de philanthropie et de développement, il soutint la construction d'un nouveau réseau d'adduction d'eau pour Cannes. Ce projet se concrétisa dans les années 1860 avec la construction d'un canal captant les eaux de la Siagne près de Saint-Cézaire, ignorant ainsi les revendications de Grasse sur l'eau (voir mon blog ici ).


Une partie du canal traverse les quartiers sud et est de Grasse, dont Saint-François. Malgré sa proximité, il contribue peu à l'approvisionnement en eau de Grasse.


Il est possible de se promener le long d'une partie du canal à Saint-François (plus loin, à Saint-Jacques et Saint-Mathieu, une grande partie a été recouverte) et il y a des digues et des aqueducs assez spectaculaires le long de son parcours.

Canal de la Siagne, Saint François de Grasse

Traces d'une ancienne voie ferrée

Le Chemin du Sud, reliant Nice à Marseille, via Draguignan et Grasse, traversait l'extrémité sud de Saint-François et ses traces sont encore visibles aujourd'hui (son autre branche, le célèbre « train des Pignes » à destination de Digne, est toujours en service). La carte ci-dessous montre son tracé, via un rond-point appelé « La Halte », car la gare de Saint-Jacques s'y trouvait autrefois. La voie longeait ce qui est aujourd'hui deux rues : le boulevard Louis-Icard, qui enjambe l'un des viaducs encore debout de la ligne, et le chemin de Peymeinade.

Voie du Chemin du Sud à St François avec La Halte et les viaducs actuels et anciens
Tracé du Chemin du Sud à St François avec La Halte et les viaducs actuels et anciens

Grâce à sa voie étroite (1 mètre), elle pouvait effectuer des virages plus brusques qu'un système à voie normale. Entre le boulevard Icard et le chemin de Peymeinade, se trouvait autrefois un viaduc de 100 mètres dont l'unique pylône, perché dans la vallée, demeure aujourd'hui un vestige fantomatique de la voie ferrée.

Viaduc bd Icard ; Canal de Siagne ; pont sur le ch de Peymeinade ;
Dans le sens des aiguilles d'une montre, en partant du haut à gauche : le bd Icard s'arrête brusquement à l'endroit où un viaduc continuait autrefois vers le ch de Peymeainade ; le canal de la Siagne, pris depuis le viaduc sur le bd Icard ; un chemin en forte pente sur un pont substantiel au-dessus d'une tranchée ferroviaire sur l'actuel ch de Peymeinade ; vue du viaduc sur le bd Icard

Bastide Saint François

Là où la « nouvelle » route devient bd Schley, elle doit son nom à un financier américain de l'« âge d'or » new-yorkais. Grant B. Schley gagna des millions entre 1885 et sa mort en 1917. Son deuxième fils, Grant B. Schley Jr., était associé dans l'entreprise de son père, mais, comme d'autres enfants de riches pères américains (on pense notamment à Henry Clews, du Château de La Napoule), il mena une vie de loisirs en France.

Bastide St François, Grasse
Bastide St Francois (grue à droite !)

Il achète et reconstruit la Bastide Saint François en 1925. Plus important encore, il choisit un jeune designer français, Jacques Couëlle, alors âgé de 23 ans, pour remodeler la Bastide.


Port la Galère (licence du domaine public) et Maisons Bulle, Théoule
Port la Galère et quelques maisons à bulle

L'œuvre paraît bien modeste comparée à la carrière ultérieure de Couëlle, inscrite dans le mouvement « architecture-sculpture ». Il fut par la suite l'architecte du faux château de Castellaras-le-Vieux et du village troglodyte de Castellaras-le-Neuf à Mouans-Sartoux.


Il a également conçu Port-La-Galère près de Théoule et a eu une influence majeure sur l'architecte hongrois renégat Antti Lovag, qui a construit le Palais Bulles de Pierre Cardin sur les falaises voisines.

Entrée de la Bastide Saint-François ; entrée de la Villa Sanford dans La Main au collet
Entrée de la Bastide St François (« Villa Sanford »). L'image du haut est une photo du film.

Il est difficile de voir la Bastide de l'extérieur directement mais son long mur, percé de tourelles occasionnelles, domine une partie du boulevard Schley.


L'entrée est devenue célèbre parmi les fans du réalisateur anglais Alfred Hitchcock, car une scène de son classique « La Main au collet », avec Cary Grant et Grace Kelly, s'y déroule.


Les maisons « ombriennes »

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les Italiens, et non les Britanniques, constituaient le groupe d'immigrants le plus important à Grasse. Le recensement de 1891 dénombrait plus de 2 500 personnes vivant ici, dont beaucoup venaient des environs de Coni – une proportion assez élevée sur un total de 11 000 habitants. Saint-François semble également avoir attiré des Ombriens, surtout après la Grande Guerre. Parmi eux figuraient les parents de mon voisin, originaires de Pérouse.


Lors d'une récente promenade, notre guide nous a emmenés rue Jeanne Jugan et nous a montré ces maisons, dont les frises, nous a-t-elle dit, sont typiques des maisons « ombriennes » de l'entre-deux-guerres. Peut-être les nombreux cyprès du versant ouest de la vallée leur rappelaient-ils leur pays.

Maisons ombriennes, rue Jeanne Jugan, Grasse
Rue Jeanne Jugan. Dans le sens des aiguilles d'une montre en partant du haut à gauche : numéro 1, numéro 5, numéro 5, numéro 3.

Jules Chaperon

La Bastide Saint-François et la Villa Noailles ne sont que deux exemples parmi tant d'autres de vastes et opulentes demeures construites par et pour les riches, au-dessus et en dessous de la « nouvelle » rue qui entoure le quartier. En contraste total, se dresse sur le chemin des Hautes Ribes ce qui est aujourd'hui une résidence secondaire appelée « Lou Naouc ». À son entrée, une petite plaque commémore l'histoire d'un homme remarquable.

Plaque à Jules Chaperon, St François de Grasse

Chaperon n'a jamais été plus que curé et aumônier militaire, mais il a mené une vie bien remplie. Vous trouverez de nombreuses informations à son sujet sur le site de l'Association « Notre Montagne » ici.


Élevé près de Vienne, dans le Dauphiné, il étudia la théologie en Tunisie et, à 22 ans, il assista au tristement célèbre « Incident de Fachoda » de 1899, sur le Nil, dans l'actuel Soudan du Sud. Cet « incident » opposa 150 soldats coloniaux français et 1 500 soldats égyptiens sous commandement britannique, à bord de cinq canonnières. La querelle faillit déclencher une guerre entre la France et le Royaume-Uni. Elle fut si grave que la reine Victoria faillit annuler sa visite annuelle sur la Riviera !


Après « l'incident », Chaperon fut hospitalisé pour tuberculose et on lui conseilla de passer du temps dans les montagnes du Var pour sa santé.


Ordonné prêtre en 1902, il fut affecté à un petit groupe de paroisses varoises centrées autour de La Martre, dans la vallée de l'Artuby, à environ 50 km au nord-ouest de Grasse, le long de l'actuelle Route Napoléon. Il y créa l'association Notre Montagne afin de collecter des fonds pour gérer un orphelinat spécialisé dans le sauvetage des enfants abandonnés, atteints ou menacés de tuberculose. Non content de cela, il participa activement à la création de toute une série de services sociaux dans sa haute vallée, dont l'une des premières colonies de vacances de France, une maison de retraite et diverses associations caritatives et économiques. Il créa même un syndicat d'initiative (office de tourisme) et, en tant que président, proposa en 1913 la création de la Route Napoléon pour promouvoir le tourisme.

<a title="Collection privée, institution QS:P195,Q768717, Domaine public, via Wikimedia Commons" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Abbe_Jules_Chaperon_aumonier_militaire.jpg"><img width="256" alt="Abbé Jules Chaperon aumonier militaire" src="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/55/Abbe_Jules_Chaperon_aumonier_militaire.jpg?20110812084948"></a>
Chaperon en tant qu'aumônier pendant la Grande Guerre

Après le déclenchement de la Grande Guerre, il fonda un hôpital militaire à La Martre. En 1916, il devint aumônier sur le front occidental, puis accompagna les troupes françaises qui aidèrent les Italiens à vaincre définitivement l'Autriche-Hongrie en Vénétie en 1918. Après la fin de la guerre, il servit avec les soldats français envoyés en Turquie pour tenter de contenir les forces nationalistes de Mustafa Kemal Atatürk. À Istanbul, il fonda un autre orphelinat pour les réfugiés arméniens au lendemain des massacres perpétrés par les Turcs en 1915-1916.


En 1921, il chercha un terrain plus grand pour l'orphelinat Notre Montagne. Il le trouva dans une ferme abandonnée du chemin de Hautes-Ribes, ici à Saint-François. À son arrivée, avec son équipe et les enfants, il semblerait qu'ils aient dû camper sur place.


En 1922, il organise l'accueil des enfants de l'orphelinat d'Istanbul à Grasse.

Il a ensuite collecté des fonds pour le site de Grasse aux États-Unis, en tant qu'attaché au consulat de France à New York.

La Naouc, St François de Grasse, 1941 et aujourd&#39;hui
Carte postale de 1941 et le même bâtiment à Lou Naouc aujourd'hui

En 1930, Chaperon avait la cinquantaine et avait déjà vécu plusieurs vies. On pourrait dire qu'il méritait une période plus tranquille pour s'occuper des orphelins pendant les vingt années suivantes !


La Route Napoléon fut inaugurée en 1931 lors d'une cérémonie en présence du ministre du Tourisme, des préfets de quatre départements, des commandants de quatre bataillons de Chasseurs Alpins, de quatre sénateurs et de nombreux maires… et de Chaperon, simple prêtre, qui avait tout lancé en 1913, alors qu'il était président de l'office de tourisme de sa commune. Alors, quand vous voyez un panneau sur une route indiquant que la prochaine localité est une commune de la Route Napoléon, pensez à Jules Chaperon.


Il décède à Grasse en 1951 et est enterré au cimetière Ste Brigitte ici à Grasse.

Pierre tombale d&#39;Emilie Morel et Jules Chaperon, cimetière Sainte-Brigitte, Grasse

Fait exceptionnel, il partage sa tombe et sa pierre tombale avec Émilie Morel, son amie d'enfance qui travailla avec lui à Notre Montagne dès 1903, à La Martre puis à Grasse. Elle organisa le transfert des orphelins arméniens d'Istanbul en 1922. En 1937, elle trouva la mort dans un accident de voiture, ce qui fut sans doute le plus grand choc que Jules Chaperon ait jamais subi.


Une cérémonie commémorative a eu lieu en 2011 dans la cathédrale à l'occasion du 60e anniversaire de sa mort. Aujourd'hui, l'orphelinat Notre Montagne abrite les résidences de vacances Lou Naouc. Chaperon, pionnier des colonies de vacances, aurait peut-être approuvé.

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