Quatre parfumeries cachées
- Tom Richardson
- 28 avr. 2024
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 31 juil.
Comme toute ville historique, Grasse compte de nombreux bâtiments reconvertis, et il n'est guère surprenant que nombre d'entre eux aient ici un point commun : la parfumerie. La plupart des complexes religieux aux abords de la vieille ville, vidés de leurs habitants pendant la Révolution, ont trouvé une nouvelle vocation commerciale, tandis qu'un hôtel particulier aussi prestigieux que l'hôtel Clapiers-Cabris, rue Mirabeau (aujourd'hui le Musée d'Art et d'Histoire de Provence , plutôt méconnu), a servi de fabrique de parfums pendant une grande partie du XIXe siècle.

Au centre de la ville, ce qui était autrefois de petits ateliers de parfumerie datant de bien avant 1850, où les propriétaires habitaient souvent au-dessus, sont devenus des bâtiments purement résidentiels à mesure que des locaux plus grands se faisaient sentir. Le 6, place de la Poissonerie en est un bon exemple.
Certaines des usines de parfums les plus récentes, construites à l'extérieur de la vieille ville pendant l'âge d'or industriel de Grasse, entre 1850 et la Première Guerre mondiale, sont toujours là. Elles ont été transformées ou intégrées à des lotissements, laissant parfois transparaître des vestiges de leur passé. En voici quatre.
Résidence des Cardamines, Avenue Sainte Lorette

L'indice, c'est la cheminée. Sinon, pourquoi ce joli complexe moderne peint en jaune devrait-il comporter un tel élément ? Sans parler de la petite tourelle panoramique ? De l'arrière, c'est un peu plus évident :

En 1891, Honoré Joseph Sozio, dont l'entreprise familiale était parfumerie depuis plus d'un siècle, construisit une nouvelle usine avenue Sainte-Lorette, autrefois la principale artère au sud de Grasse. À l'époque, il s'agissait d'un simple terrain agricole en bordure de la ville. Le projet comprenait une grande distillerie équipée d'une chaudière à vapeur. Le site, d'environ un hectare, fut agrandi au cours des vingt années suivantes afin de concurrencer les leaders de l'époque, Roure et Chiris. Il atteignit son apogée en 1910, mais continua d'être une usine jusqu'en 1996, après avoir été vendu par la famille en 1982.
Ce qui reste, et qui a été réaménagé en appartements, était le premier bâtiment de l'usine, dont la tourelle servait d'escalier. Fait remarquable, l'entreprise Sozio existe toujours et prospère, bien que la famille Sozio l'ait vendue en 1979.
Résidence Roses de Mai, Avenue Font Laugière

Il n'existe aucun indice extérieur sur l'origine de ce bâtiment, si ce n'est peut-être son emplacement, en haut du quartier des Moulins de Grasse, dans une rue particulièrement difficile d'accès qui descend vers l'étroite vallée du Rossignol. Deux frères, Bertrand, y établirent une nouvelle usine en 1865, très probablement sur l'emplacement d'un moulin plus ancien, et celle-ci fut reliée à une savonnerie adjacente. Comme beaucoup de parfumeries, elle connut un essor considérable avec l'avènement de la distillation à la vapeur d'eau. Dans les années 1920, Léon le Bel, architecte incontournable de Grasse à l'époque, fut à l'origine d'une importante expansion du site.
Bertrand Frères fut finalement racheté en 1967 et l'usine ferma ses portes dans les années 1980. Le site fut fusionné avec celui d'une autre parfumerie voisine, Lautier Fils, et transformé en appartements. Ce que vous voyez aujourd'hui était autrefois l'entrée de l'usine ; d'où l'arche.
N° 1 Travers Font Laugière
En fait, à seulement quelques mètres au-dessus des Roses de Mai, il est difficile de le voir dans son ensemble.

Depuis son entrée principale, vue depuis le boulevard Gambetta au-dessus, se trouve un autre immeuble d'appartements plus ancien qui semble avoir été en quelque sorte inséré dans une petite rue.
L'indice extérieur, bien que trompeur, de son origine réside dans le « AF » gravé sur la pierre au-dessus de la porte. Mais une vue frontale depuis le pont Gustave Eiffel, près du fond de la vallée, révèle la véritable taille du bâtiment.
L'usine daterait des années 1820, agrandie à partir d'un bâtiment plus ancien et d'un jardin, et comprenant une véranda encore visible aujourd'hui. Après la croissance typique des entreprises grassoises à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, l'activité parfumerie cessa en 1930. Après la guerre, le site resta inutilisé pendant de nombreuses années, jusqu'à ce que ce qui restait du complexe industriel soit transformé en logements sociaux, ce qui est sa fonction actuelle. Les initiales étaient à l'origine « BE » pour la société Bernard-Escoffier Fils et semblent avoir été modifiées après 1930.

10 av Etienne Carémil
Les trois parfumeries grassoises qui accueillent les visiteurs (Fragonard, Molinard et Gallimard) sont bien connues, mais jusqu'à la fin des années 1960, il en existait une quatrième, Honoré Payan. La parfumerie a la particularité d'être doublement cachée, puisqu'elle trouve son origine au 6, place de la Poissonnerie, lorsqu'en 1854, Honoré Payan reprit un atelier exploité par deux autres propriétaires depuis au moins la fin du XVIIIe siècle.
En 1886, Payan fusionna avec une autre société pour former Payan & Bertrand, une entreprise toujours prospère aujourd'hui avenue Jean XXIII et au Plan de Grasse. Mais en 1907, la marque Honoré Payan fut rachetée (peut-être dirions-nous aujourd'hui une scission ?) par Étienne Carémil, qui, comme Eugène Fuchs avec Fragonard en 1925, souhaitait créer une parfumerie grand public. Le bâtiment qu'il utilisait n'avait pas été construit à cet effet, mais son emplacement en bord de route était bien placé pour être bien visible des visiteurs. Comme le montre la carte postale de 1964, lui et ses successeurs ont clairement fait comprendre aux passants et aux clients de l'hôtel que l'usine était ouverte aux clients pour visiter et acheter ses produits.

La route en question porte désormais son nom car ses affaires étaient florissantes et il devint maire de la ville de 1931 à 1941.

Suite à un nouveau changement de propriétaire et une fusion, l'entreprise, devenue Jehanne Rigaud Parfums mais toujours fortement marquée sous le nom d'Honoré Payan, est située à Bar sur Loup sur la route qui monte à Gourdon. Le 10 av Etienne Carémil est un immeuble résidentiel, distingué côté route par son trompe l'oeil astucieux qui lui donne l'impression d'avoir plus de fenêtres qu'il n'y en a en réalité.


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