Un héros grassois de la Seconde Guerre mondiale
- Tom Richardson
- 11 oct.
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Sur le front de mer d'Antibes se dresse un monument commémorant le débarquement du sous-marin HMS Unbroken, le 21 avril 1942, d'un capitaine du Special Operations Executive (SOE) nommé Peter Churchill. À l'époque, la Côte d'Azur était sous le régime de Vichy, sous le maréchal Pétain. Il s'agissait du deuxième débarquement clandestin de Churchill en France, le premier ayant eu lieu quatre mois plus tôt près de Théoule.
Il était accompagné de trois autres agents (dont les noms ne figurent pas sur le mémorial). L'un d'eux était un opérateur radio du nom d'Isidore Newman, qui devait rejoindre un réseau d'infiltration connu sous le nom d'URCHIN, créé et dirigé par un Grassois, François Basin.
Le SOE était l'organisme notoirement chargé par Winston Churchill de « mettre le feu à l'Europe ». Ses activités en France ont été maintes fois décrites, notamment par MRD Foot, qui a publié une histoire officielle en 1966. Il l'a révisée dans une deuxième édition parue en 2006, car certaines de ses conclusions le mettaient mal à l'aise à mesure que de nouvelles informations devenaient disponibles. Cela semble typique des documents écrits sur le SOE : on y trouve toutes sortes d'histoires qui semblent souvent refléter les préjugés et l'estime de soi des personnes impliquées.

Mais François Basin, connu sous le nom de Francis dans toute la documentation britannique, semble sans conteste avoir été un homme bien et très modeste quant à ses réalisations. En 1971, il rendit compte de ses activités à un écrivain, dramaturge et scénariste nommé André Gillois, qui avait été l'assistant de Charles de Gaulle à Londres pendant la guerre.
Basin est né à Grasse en 1903, fils d'un cheminot ; il aurait donc eu 37 ans en 1940. Il semble qu'il n'existe aucune trace de ses activités avant la guerre, et on ne sait pas précisément comment il est arrivé au Royaume-Uni avant, ou peut-être juste après, la défaite de la France en juin 1940. Il s'est engagé dans l'armée britannique en août de la même année. Recruté dans le SOE, il a été promu lieutenant et envoyé en France en août 1941, avant d'être rapidement arrêté par la police française (de Vichy) à Cannes.
Le SOE avait fabriqué des papiers d'identité et une couverture pour lui, mais Basin décida qu'il était plus sûr de rester proche de la vérité. Il utilisa son nom et l'adresse de sa mère à Grasse, et ses papiers montraient qu'il avait été mobilisé avec les Chasseurs Alpins, dont une caserne se trouvait à Grasse. Les Chasseurs avaient fourni des soldats à une petite force française envoyée pour aider à défendre la Norvège en 1940, et Basin se cachait en prétendant qu'il en faisait partie et qu'il avait été évacué vers l'Angleterre en avril 1940. L'histoire dut fonctionner, car il fut libéré en octobre 1941.
Après cela, il s'établit à Cannes et développa son réseau URCHIN, apparemment basé dans une « Villa Isabelle » (aujourd'hui démolie, mais le complexe est toujours connu sous le nom de Palais Isabelle) sur la route de l'ouest. Organisateur de circuits, son travail consistait à diriger, planifier et recruter de nouveaux membres. Il aurait créé plusieurs cellules dans le Var, les Alpes-Maritimes et même jusqu'à Marseille. Ses agents collectaient des informations – lors de son entretien avec Gillois, il a déclaré en avoir une ayant accès aux comptes rendus du conseil des ministres de Vichy – et, dans certains cas, se livraient à des sabotages. Ses rapports devaient initialement être acheminés clandestinement via la Suisse et l'Espagne, raison pour laquelle le SOE lui a fourni un opérateur radio en avril 1942 pour permettre des communications bilatérales.
Gillois raconte également que Basin aurait tenté de persuader Maurice Chevalier, dont les relations avec les occupants restent une source de controverse à ce jour, de partir pour Londres en 1941. Il n'eut aucun succès, Chevalier affirmant qu'il perdrait tout ce qu'il possédait s'il partait.

En août 1942, Basin fut arrêté à Cannes et emprisonné à Lyon par la Surveillance du Territoire de Vichy, mais la chance lui sourit. Après le débarquement américain et britannique en Afrique du Nord en novembre, les nazis prirent le contrôle de la zone « libre » de Vichy, et des sympathisants du régime semblent avoir contribué à sa libération avant que les Allemands ne le rattrapent. Finalement, caché en Auvergne, il retourna en Provence où il commença à mettre en place un autre réseau. Il fut évacué vers Londres en août 1943.

Il travailla comme instructeur dans une école de formation du SOE à Beaulieu, dans le Hampshire, et à la section « Section F » (France) du SOE, probablement à son QG de Baker Street, à Londres. En septembre 1944, il quitta l'armée britannique et rejoignit l'état-major des Forces françaises libres.
On sait que Basin est décédé à Paris en octobre 1975 ; il n'est donc peut-être jamais retourné à Grasse (sa mère aurait eu plus de 80 ans en 1945). Il semble également qu'il n'existe aucune information sur ses activités après la guerre. Comme tant d'autres, il n'a peut-être jamais voulu s'étendre sur ses activités, bien qu'on trouve aux Archives nationales de Paris un compte rendu d'une conversation avec une certaine Mme Patrimonio en 1947, ainsi que son entretien avec André Gillois en 1971.
Mais sa contribution ne fait aucun doute. Il a été décoré de l'Ordre de l'Empire britannique en 1945 et nommé officier de la Légion d'honneur par la France en 1951.
Traduction de la citation
Cet officier débarqua en France par la mer en août 1941 afin de mettre en place un réseau dans le sud du pays. Il fut arrêté à Cannes par la police de Vichy quelques jours après son arrivée, mais après un interrogatoire exhaustif, il convainquit les autorités que ses papiers étaient en règle et fut relâché.
BASIN commença immédiatement à recruter des hommes pour ce réseau, une tâche délicate et périlleuse à ce stade, qui exigeait une grande habileté et un jugement sûr. Il organisa plusieurs cellules indépendantes couvrant les départements des BOUCHES du RHONE, du VAR, des BASSES ALPES et des ALPES MARITIMES, prêtes à commencer leur travail de sabotage.
Il fut d'abord handicapé par l'absence de communication radio avec LONDRES, mais lorsqu'un opérateur lui fut envoyé et qu'il put organiser la réception d'armes et d'explosifs, il commença ses opérations de sabotage. Celles-ci étaient nécessairement de petite envergure, mais elles ont notamment permis de détruire 15 camions italiens, une machine de concassage dans les usines de bauxite du Luc-le-Cannet, et d'endommager des voies ferrées et des lignes électriques. En plus de ce travail, BASIN a organisé la réception d'agents par felouque et sous-marin sur la côte méditerranéenne.
En août 1942, Basin fut à nouveau arrêté. Il s'échappa après plusieurs mois de prison et, bien que sa santé fût gravement altérée, il entreprit de mettre en place un nouveau réseau. Il fut finalement rappelé à Londres et y retourna à la fin de l'année 1942.
Organisateur courageux et efficace, Basin joua un rôle important dans la mise en place des fondements du développement futur et fructueux de la résistance en France. Il fit preuve d'un courage et d'une persévérance admirables face au danger et risqua fréquemment sa vie pour sauver celle des autres. Il est vivement recommandé qu'il soit nommé membre de l'Ordre de l'Empire Britannique (Division Militaire).



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