La Mourachonne : une rivière importante de Grasse
- Tom Richardson
- 12 nov.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 nov.
Les petits cours d'eau, même en pleine campagne, sont souvent oubliés aujourd'hui. Nombre d'entre eux ont été aménagés, canalisés ou transformés en rivières presque entièrement. Du moins, jusqu'à ce que des pluies imprévues provoquent parfois une catastrophe (comme lorsque la Brague est sortie de son lit en 2015, emportant plusieurs habitants d'une maison).
La Mourachonne, rivière la plus importante de Grasse, est l'un de ces cours d'eau généralement méconnus. Prenant sa source discrètement dans une brèche à flanc de colline, elle dévale la pente rapidement et sans bruit, irriguant quelques-uns des plus beaux champs de fleurs de Grasse encore existants, avant d'atteindre le fond de la vallée. En rejoignant son principal affluent, le Riou Blanquet, elle a façonné les terres où se trouvent aujourd'hui de nombreuses parfumeries, pour finalement aboutir à la plaine inondable du Plan de Grasse, qu'elle traversait autrefois en serpentant.
Cachée sur la majeure partie de son parcours, sa valeur d'une part et ses dangers d'autre part sont typiques des voies navigables modernes.
La source du fleuve et sa haute vallée
Eaufrance, le service officiel d'information sur les eaux françaises, classe le cours d'eau sous le nom de Mourachonne dès sa source, même si les cartes de l'IGN utilisent le nom de « Grand Vallon » pour son cours supérieur.

La Mourachonne sort de la colline juste au-dessus du joli Placette St Antoine dans le quartier Les Roumégons de Châteauneuf-de-Grasse, et selon Eaufrance, elle mesure 14 km de long jusqu'à sa confluence avec la Siagne à Pegomas.
Elle descend d'abord abruptement vers le bas du domaine de Malbosc et le quartier Saint-Jean. On peut l'atteindre par des sentiers et des chemins et constater qu'à l'exception de quelques ponts, son cours naturel est resté inchangé.
C'est dans le quartier Saint-Jean, au confluent de plusieurs ruisseaux, que la rivière prend toute son importance pour Grasse. Elle marque le début de ce qui fut jadis une vaste zone de culture de roses centifolia et de tubéreuses. À cette époque, toutes les parfumeries qui transformaient les fleurs étaient situées dans la vieille ville et ses environs, à l'écart des précieuses terres cultivées de plaine. Le cadastre napoléonien montre que les parcelles étiquetées « roseraie » ou « terre à fleurs » dominaient l'usage des sols jusqu'au Plan et au-delà.
Aujourd'hui encore, le secteur de Saint-Jean demeure important pour la floriculture, notamment pour la production de roses de haute qualité. On y trouve le Domaine de la Rose de Lancôme, tandis qu'à l'est, sur le versant est de la vallée, se situe la Villa Botanica de DSM-Firmenich. Un autre champ de roses expérimental est exploité par le Laboratoire Monique Rémy, filiale locale d'International Flavors and Fragrances, spécialisée dans les essences naturelles.

Un cours d'eau aménagé
En aval des champs de fleurs, la rivière s'encaisse davantage et son cours a été aménagé pour permettre la construction de logements et d'autres aménagements. La ligne de chemin de fer vers Cannes (achevée en 1871) et le canal de la Siagne (ouvert en 1868) traversent la rivière. Celle-ci passe dans un tunnel creusé dans le remblai de la voie ferrée, tandis que le canal la surplombe grâce à un aqueduc.

Pourtant, le ruisseau semble assez naturel. Cela change brusquement à sa confluence avec le Riou Blanquet, à l'emplacement actuel du rond-point du Moulin de Brun. Autrefois, son cours serpentait, créant la plaine autour du hameau du Plan. Mais au lieu de couler paisiblement et discrètement dans la vallée, il s'engage dans une profonde entaille, manifestement artificielle, destinée à canaliser son cours et à permettre l'aménagement du territoire.

La mainmise sur les champs de parfumerie

Après la Seconde Guerre mondiale, il devint logique pour l'industrie des parfums et des arômes de développer de nouveaux sites directement sur cette plaine inondable aménagée. L'approvisionnement en matières premières se déplaçait des sources locales vers les importations, et un terrain plus plat permettait la création d'usines plus modernes, orientées vers la chimie. Les transports publics améliorèrent également la mobilité de la main-d'œuvre. Enfin, lorsqu'une entreprise avait besoin de davantage d'espace de production, elle pouvait parfois utiliser des terres de plantations dont elle était déjà propriétaire.
Bertrand Frères a aménagé dès les années 1920 le site aujourd'hui abandonné de Biolandes, près du Moulin de Brun. Robertet a constaté que même son vaste site de l'avenue Sidi-Brahim était insuffisant pour ses besoins et a mis en service sa nouvelle usine sur Le Plan en 1982.

Les dangers de l'intervention humaine
Comme presque partout où se trouvent des cours d'eau, l'intervention humaine n'a pas été totalement efficace. Les géomètres et les hydrographes ont une certaine tendance à l'optimisme quant à l'efficacité de leurs tentatives de maîtrise des éléments. La Mourachonne ne fait pas exception.
Eaufrance a officiellement classé la zone comme « inondable » (« sujette aux inondations ») et en 2009, d'importants travaux ont été réalisés pour prévenir les inondations, notamment un site de mesure et d'alerte près du Moulin de Brun.

La construction à proximité du fleuve ayant récemment repris, ces mesures de prévention des inondations semblent avoir porté leurs fruits, même si cela a peut-être eu des conséquences pour Pegomas, en aval. On peut constater les dégâts survenus en octobre 2024 :
Nouveaux développements
Les mesures de prévention des inondations semblent avoir donné un nouvel élan au développement industriel près du fleuve. Givaudan va réaménager le site abandonné de Biolandes pour son activité « House of Naturals » (plus d'informations ici ). Un peu plus loin, Cosmo International Fragrances construit une nouvelle usine sur l'emplacement d'anciens champs de fleurs qui faisaient récemment partie d'une pépinière commerciale. Un peu plus près du Plan, un panneau vient d'être installé annonçant la construction d'un nouveau bâtiment, sur un site très similaire, pour Payan & Bertrand, une entreprise grassoise historique qui, apparemment, manquait de place dans ses locaux de l'avenue Jean XXIII.
J'espère que les hydrologues et les ingénieurs ont vu juste cette fois-ci !




Merci pour cet article très intéressant. C'est étonnant de suivre le parcours de ce petit cours d'eau qui coule sous des routes que l'on emprunte souvent. Après avoir franchi des gorges profondes elle passe sous la voie rapide, obligeant les ingénieurs à construire un virage si serré que les véhicules sont déportés et que la vitesse doit être limitée fortement, des phares clignotants signalant ce drôle de virage.